Le lin


Pour tout savoir sur le lin. De la plante à belles fleurs bleues au tissu. Les termes techniques de la production et du traitement industriel du lin.

 

Source : Dictionnaire français illustré et encyclopédie universelle, par B. Dupinay de Vorepierre - Paris - 1867 - Google Books

 

Fleur de lin

 

LIN. s. m. (latin linum). Plante dont la tige fournit un fil très-fin. La culture du lin. Les fibres que fournit la tige de cette plante. Ce lin est très-beau. Voilà du lin de première qualité. Toile faite avec ces fibres. De longs habits de lin. Être vêtu de lin. Gris de lin, Couleur qui ressemble à celle de la fleur du lin. Le gris de lin est une couleur fort douce, — Adjectiv. Couleur gris de l. Ruban gris de l. Lin de la Nouvelle Zélande, Le Phormium tenax, V. Liliacées. Lin incombustible, Voy. Amiante

 

Encycl. — Le Lin cultivé appartient à la famille des Linacées et au genre Lin (Linum), dont il est l’espèce la plus intéressante. C’est une petite plante à tige grêle qui ne dépasse guère 60 cm en Europe, mais qui atteint jusqu’à 2 m. sur les bords du Nil. Malgré cela, c’est surtout dans le Nord que cette plante acquiert toutes les propriétés qui la mettent au premier rang parmi les végétaux économiques. L’excès d’humidité et la grande chaleur lui sont également nuisibles. En outre, elle veut pour réussir un terrain bien préparé et chargé d’engrais. Les cultivateurs distinguent trois variétés principales de Lin :

 

le L. froid ou Grand lin,

le L. chaud ou L. têtard,

et le L moyen.

 

Chenevottes de lin

 

Le premier est surtout cultivé dans les Flandres et en Belgique ; le dernier est la variété la plus répandue. La matière textile que fournit le Lin, et que l’on désigne sous le même nom que la plante, est composée de longs filaments ligneux agglutinés entre eux par une substance gommo-résineuse. Ces fibres sont employées depuis un temps immémorial à la fabrication des tissus. Mais, pour être en état de recevoir cette application, elles ont besoin d’être soumises à un certain nombre d’opérations préalables, que l’on peut diviser en deux catégories, celle des préparations agricoles, et celle des opérations manufacturières. Comme ces manipulations sont également nécessaires, sauf quelques modifications de détail, pour rendre le Chanvre propre au tissage, ce que nous allons dire du Lin s’appliquera aussi à ce dernier produit.

 

I. Les préparations agricoles comprennent le Rouissage, le Teillage et le Peignage

 

Le Rouissage s’effectue immédiatement après la récolte. Il a pour objet de dissoudre la matière gommo-résineuse qui unit les fibres textiles entre elles ainsi qu’a la tige de la plante. Le procédé le plus usité, procédé qui est employé de toute antiquité, consiste à immerger entièrement la plante dans une eau courante ou stagnante, dont remplacement se nomme Rouloir. L’action de l’air et celle de l’eau font fermenter et dissoudre la substance gommeuse, de sorte que les fibres peuvent s’isoler avec facilité. L’immersion dure plus ou moins longtemps, suivant l’élévation de la température, et suivant la grosseur, le degré de maturité et de dessiccation des brins. On reconnaît que l’effet désiré est obtenu quand ces derniers rompent net et sans plier, et que les fibres textiles se détachent facilement sur toute la longueur de la tige ou chênevotte. Quelquefois. au lieu d’immerger les brins, on se contente de les exposer, sur un pré fauché, à l’action de la pluie et de la rosée. Le roulage à l’eau présente de graves inconvénients. En effet, les rouloirs laissent toujours exhaler des émanations pernicieuses qui, sans être aussi nuisibles aux hommes qu’on l’a prétendu, corrompent néanmoins suffisamment les eaux pour détruire le poisson et altérer la santé des bestiaux. De plus, l’opération ne peut se faire avec toute la régularité désirable, parce que les masses ne sont pas également soumises à l’action de l’eau et de l’air, il résulte de là que les portions les plus exposées à l’air sont trop rouies, ce qui les énerve, tandis que les autres ne le sont pas assez. On a imaginé un grand nombre de procédés afin d’obvier à ces inconvénients. Nous nous contenterons de mentionner le roulage à l’eau chaude et le rouissage à la vapeur. Mais la méthode la plus simple et la plus économique est celle qui est due à Bouchon, et qui consiste à tremper les bottes, une fois par jour, jusqu’à ce que le rouissage soit reconnu parfait, dans une eau acidulée par de l’acide sulfurique du commerce (1 ou 2 kil. d’acide pour 400 litres d’eau), selon qu’on opère sur du Lin ou sur du Chanvre. Le rouissage terminé, on fait sécher les bottes de Lin ou de Chanvre, soit en les étalant au soleil, soit en les introduisant dans un four après la cuisson du pain, soit encore en les exposant sur un grillage établi au-dessus d’une fosse, appelée Haloir, au fond de laquelle on entretient du feu.

 

On procède alors à l’opération du Teillage, c.-à-d. à la séparation des fibres textiles d’avec la partie ligneuse de la lige. Dans certaines localités, on teille à la main ; dans d’autres on brise la chênevotte avec un maillet de bois ; dans le plus grand nombre, on se sert d’une machine, appelée Macque ou Broie, qui se compose de deux mâchoires de bois dur assujetties sur un châssis. La mâchoire inférieure est fixe et creuse, tandis que la supérieure est mobile, façonnée intérieurement en forme de tranchant et tourne autour d’un axe de rotation placé à une de ses extrémités, de telle sorte qu’en la saisissant par le manche, et en l’abaissant sur la mâchoire inférieure où l’on a placé les chênevottes de lin, elle brise celles-ci sans toutefois rompre les fibres. On a encore imaginé diverses machines pour exécuter l’opération du broyage. Telle est la machine à broyer qui se compose de 2 cylindres cannelés superposés, et représente une sorte de laminoir.

Quel que soit le procédé employé pour teiller le Lin, les fibres textiles restent toujours souillées par de très menus fragments de chèvenotte. On les débarrasse de ces impuretés par le Raclage. Dans le premier cas, on les racle avec une racloire, espèce de couteau de fer à tranchant obtus ; dans le second, on les place dans une échancrure pratiquée dans une planche debout, et on les frappe avec une sorte de sabre de bois appelé Espale.

 

On donne le nom de Filasse ou de lin brut, au lin qui a subi les manipulations dont nous venons de parler. C’est dans cet état que les cultivateurs la livrent à l’industrie. Dans le commerce, on distingue les lins en blancs, gris et roux, suivant leur couleur ; et en fins, moyens et gros, suivant leur grosseur.

 

Le lin blanc est le plus recherché ; on l’estime d’autant plus, qu’il se rapproche davantage du blanc argenté. Le lin blanc des Flandres provient des Lins dits ramés, à cause de la précaution que prennent les cultivateurs de soutenir les tiges avec des pieux ou des palissades à claire-voie.

Le lin gris, qui vient ensuite, comprend toutes les nuances de gris.

Enfin les lins roux, qui sont les moins estimés de tous, sont durs, cassants, se filent mal et ne peuvent servir que pour faire les toiles les plus communes.

Le lin de fin, qu’on appelle aussi lin froid, n’est autre chose qu’un choix des plus beaux lins ramés ; c’est, par conséquent, le premier de tous. Il est exclusivement réservé à la fabrication des batistes et des dentelles.

Le lin moyen est blanc ou gris : dans le premier cas, il est formé avec des lins ramés de second choix, et, dans le second, avec des lins gris de première qualité. On l’emploie surtout pour les services de table

Enfin, le lin de gros, appelé encore lin têtard ou lin chaud, comprend les gros filaments de toutes couleurs. C’est avec lui que se fabrique le gros linge de ménage, draps, serviettes, nappes, etc.

 

II. Les opérations manufacturières que doit subir le lin avant le tissage ont pour objet de le convertir en fil. Les plus importantes sont le Peignage et le Filage.

 

Le Peignage a pour but de diviser les brins, autant que faire se peut, sans briser les filaments ; de les assouplir sans les fatiguer ; de les détacher parfaitement les uns des autres, afin de faciliter leur glissement au contact ; de les ranger aussi parallèlement que possible ; et enfin de séparer ceux qui sont moins longs, moins unis, moins égaux et moins résistants que les autres. Celte opération donne donc deux produits : des filaments longs, qui constituent les longs brins, et des filaments plus courts, qui constituent les Étoupes. Ce sont les premiers qui fournissent le meilleur fil, celui qui doit servir à la confection des beaux tissus. Quant aux seconds, ils ne peuvent être filés qu’après un cardage préalable, et ne sont propres qu’à faire des toiles communes. Le peignage s’exécute, soit à la main, à l’aide d’espèces de peignes formés d’aiguilles métalliques fixées sur une pièce de bois triangulaire, soit avec des machines appelées Peigneuses. Au sortir du peigne, le lin est livré à d’autres machines dites machines à étaler et machines à étirer, qui le transforment eu rubans de plus en plus longs et de plus en plus étroits. Quand ces rubans sont devenus trop minces pour qu’on puisse continuer leur étirage sans s’exposer à les rompre, on les soumet à l’action d’un appareil particulier, nommé banc à broches, qui, tout en poussant leur allongement le plus possible , augmente en même temps leur résistance en leur imprimant un léger degré de torsion. Ce n’est qu’après cette dernière opération que l’on procède au Filage proprement dit.

 

Quand on veut simplement obtenir de gros fils, le filage peut se faire avec des machines presque semblables à celles qui sont employées dans l’industrie du coton ; mais ces appareils sont inapplicables, dès qu’il est nécessaire d’atteindre un certain degré de finesse. C’est pour combler cette lacune que, le 7 mai 1810, Napoléon ouvrit un concours dont le vainqueur devait recevoir un prix d’un million. Le concours n’eut pas lieu, par suite des événements désastreux de 1812 et de 1813 ; maigre cela, l’intention de l’empereur fut remplie, car la machine â filer le lin fut inventée. Bien plus, cette machine était due à un Français, Philippe de Girard. Malheureusement, cet homme de génie ne trouvant pas, dans nos manufactures. les encouragements qui pouvaient seuls développer sa création, il se vit obligé de la porter à l’étranger. C’est d’Angleterre, où elle avait été adoptée dès 1815, que nous avons été obligés de la tirer, en 1831, quand nos industriels en eurent compris toute la valeur. La nature de notre livre ne nous permet pas d’entrer dans l’explication du mécanisme, d’ailleurs très-compliqué, de cette machine. Actuellement, la filature mécanique du lin est répandue et se développe avec rapidité dans tous les pays où l’industrie manufacturière est florissante. Néanmoins, dans ces pays mêmes, on conserve encore la filature à la main pour obtenir certaines qualités de fils d’une beauté exceptionnelle, que les machines sont impuissantes à produire, comme ceux qui servent à la fabrication des dentelles et des batistes les plus fines. Ils se font à la quenouille ou au rouet.

 

Dans le commerce, les fils de lin sont distingués par des numéros qui expriment leur finesse, et par conséquent leur valeur. On emploie deux systèmes de numérotage, également usités en France. Dans le système dit métrique, on donne 1000 met. à chaque écheveau, et l’on note combien il faut d’écheveaux pour faire un poids de 500 gram. Ainsi, par ex., s’il ne faut qu’un écheveau, le fil est dit n° 1 ; s’il en faut deux, il est dit n° 2, et ainsi de suite. Dans le système anglais, on compte par échevettes de 300 yards ou 274 met., et le nombre d’échevettes, nécessaires pour former une livre anglaise, ou 453 gr., constitue le numéro du fil. D’après cela, le n° 50 anglais signifie qu’il faut 50 échevettes de 300 yards pour faire une livre anglaise. La concordance des deux systèmes ne présente aucune difficulté. Néanmoins, quand on n’a pus besoin d’une exactitude rigoureuse, il suffit de savoir qu’ils sont à peu près dans le rapport de 3 à 10, et que le n° 1 français représente le n° 3 anglais, etc.